EN DIRECT – L’association entre les températures élevées et l’état de sommeil se révèle inopérante, et leur corrélation croissante avec les anomalies climatiques risque de nourrir une dette de sommeil nuisible à la santé. Cependant, des remèdes se profilent pour atténuer les conséquences.

En cette période de canicule frappant actuellement la France, l’obtention d’un état de répit peut s’avérer épineuse. « Jusqu’à une température d’environ 28 degrés, un sommeil de qualité demeure possible, au-delà, la situation se complexifie substantiellement », expose Armelle Rancillac, chercheuse en neurosciences affiliée à l’Inserm au Collège de France. Le cerveau, où les neurones régulant la température et le sommeil se trouvent intrinsèquement liés, révèle une grande sensibilité à l’influence thermique. Les élévations thermiques notables activent le thermostat central et déclenchent des mécanismes de stress.

Afin de plonger dans les bras de Morphée, il est impératif de réduire la température corporelle interne.

« En période de chaleur intense, la vasodilatation des vaisseaux sanguins cutanés perd en efficacité, limitant ainsi la dissipation thermique et retardant l’installation du sommeil », renchérit Armelle Rancillac. Les températures nocturnes élevées accroissent également les éveils nocturnes et restreignent spécifiquement le sommeil profond, considéré comme la phase la plus régénératrice. « À la fin d’un cycle, l’individu peut éprouver une propension à l’éveil et à des difficultés de ré-endormissement », car le corps aspire à « suspendre un état de menace thermique », analyse la chercheuse.

Si les besoins de sommeil quotidien varient d’un individu à l’autre, en fonction également de l’âge, la plupart des individus oscillent entre 7 et 9 heures. Toutefois, au cours des deux premières décennies du XXIème siècle, une moyenne de 44 heures annuelles de sommeil aurait été perdue par les humains par rapport aux périodes antérieures, selon une étude publiée en 2022.

Avec l’augmentation des températures attribuées au changement climatique, ce déficit pourrait s’accentuer, projetant une perte de sommeil annuelle accrue, atteignant de 50 à 58 heures par individu d’ici la fin du siècle, selon les investigations dirigées par Kelton Minor, de l’Université de Copenhague (Danemark), fondées sur les données de plus de 47 000 porteurs de dispositifs connectés répartis sur quatre continents.

Effets Préjudiciables Toutefois, un déficit excessif de sommeil par rapport aux besoins entrave la récupération organique. « Le sommeil ne constitue point un luxe, son équilibre s’avère prodigieusement délicat, et son absence engendre des répercussions préjudiciables », souligne Armelle Rancillac.

À court terme, « les effets prépondérants sont d’ordre cognitif : somnolence, fatigue, risques d’accidents au travail ou sur la voie publique, perte de patience… », énumère le Dr Fabien Sauvet, médecin en chef de l’Institut de Recherches Biomédicales des Armées. À long terme, un déficit répété et persistant de sommeil peut générer une dette néfaste, non seulement pour les populations vulnérables (personnes âgées, jeunes enfants, individus atteints de maladies chroniques). « Ceci affecte notre métabolisme, favorisant la prise de poids, le développement du diabète, des affections cardiovasculaires, voire des pathologies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer », alerte la neuroscientifique.

Pour « un patient, une dette de sommeil peut précipiter des décompensations ; pour un individu sain, les répercussions négatives se manifesteront sur plusieurs années », précise le Dr Sauvet. Cette « dette » peut également réduire la résilience au stress et augmenter le risque de rechute ou d’ancrage d’une pathologie mentale.

Atténuation par la Modération des Stimulants et la Restriction de l’Alcool

« Évitez l’usage inconsidéré de climatisation ; il convient d’abord de réajuster son comportement : revêtir des tenues légères pour dormir, s’envelopper d’un simple drap, assurer une ventilation optimale, etc. », conseille le Dr Sauvet. Selon lui, une plage de températures de 24 à 26°C demeure adéquate, écartant ainsi la nécessité de maintenir une chambre à une température comprise entre 18 et 22°C. L’acclimatation aux températures élevées réclame une période de 10 à 15 jours, fait-il remarquer, en s’appuyant sur l’expérience des militaires déployés dans des contrées chaudes.

D’après Armelle Rancillac, la priorité réside dans le renforcement des mécanismes intrinsèques de fluctuations thermiques durant les cycles jour/nuit, et la vigilance face aux éléments hostiles au sommeil. Par exemple, préférer une douche fraîche, mais modérée, éviter les activités sportives trop tardives pour éviter une élévation excessive de la température corporelle, réduire la consommation de stimulants comme le café, et limiter la prise d’alcool. « L’alcool se présente comme un complice fallacieux : indubitablement, il induit la détente, favorisant ainsi l’endormissement ; toutefois, il induit également une légère hausse de la température corporelle interne, contribuant à la fragmentation du sommeil », note la neuroscientifique. Le choix de la literie s’avère également crucial, car certains matelas retiennent davantage la chaleur, comme l’indique Fabien Sauvet.

Pour pallier la carence de sommeil nocturne, ce praticien suggère la mise en place de « siestes brèves, d’environ 30 minutes ».